Etranger - Référendum sur la constitution européenne: un procédé dangereux

Dans au moins sept pays de l'Union Européenne l'approbation du trait établissant une constitution pour l'Europe  se fera  par voie de référendum, dans certains états parce que cela est prévu par la constitution, dans d'autres, comme en Grande- Bretagne ou en France parce que les gouvernements y voient un moyen d' affermir leur prestige en cas de victoire ou de diviser l'opposition. L'idée démocratiquement généreuse de susciter un grand débat social sur l'avenir de l'Europe à l'occasion de l'approbation d'une constitution européenne est dans la plupart des cas battue par des problèmes de politique intérieure. En France le président Jacques Chirac, en fin tacticien est parvenu à diviser dramatiquement le parti socialiste, mais il est nullement évident que cette manoeuvre serve vraiment la cause européenne. L'ancien président de la Convention européenne, Valéry Giscard d'Estaing, a lancé une croisade contre l'adhésion de la Turquie l'UE, risquant ainsi de faire diviser le débat sur la constitution en le dégradant en une bagarre passionnelle pour ou contre la Turquie.  En Grande-Bretagne le premier ministre Tony Blair tente de maintenir l'unité du parti travailliste en érigeant le peuple britannique en arbitre au sujet de l'avenir de l'Europe. La seule solution défendable est bien entendu l'organisation d'un référendum vraiment européen dans tous les états membres de l'UE sur base d'une unique circonscription électorale.
Tous les cas d'espèce démontrent en l'occurrence une contamination inévitable et souvent consciemment organise du débat sur la constitution européenne par des facteurs de politique intérieure. Cette "internalisation" de la politique étrangère mettant en l'approbation de la constitution est très inquiétante au moment ou l'approfondissement institutionnel de l'Union Européenne est une nécessité absolue, si l'on veut réussir l'élargissement de l'Union sans verser dans la dilution, conduisant à une Europe réduite: une zone de libre change, sans impact politique sur l'échiquier mondial. Cette dilution, que Jacques Delors appela la "déseurope", correspond par ailleurs au souhait non avoué des néo-nationalistes et des archo-souverainistes.
En Belgique par exemple figure le premier ministre préconisent également l'organisation d'une consultation populaire - 'un référendum par ailleurs contraire à la constitution belge. Il se fait heureusement que le Conseil d'Etat a mis un avis nettement négatif  sur toute proposition de loi tendant à consulter la population belge. En fait une telle consultation, théoriquement non décisive, aurait de toute manière un impact déterminant sur la décision à prendre par les pouvoirs législatifs et exécutifs. La Belgique, et le Conseil d'Etat le rappelle utilement, est une démocratie parlementaire et donc représentative, ce qui implique que l'intérêt général ne résulte point de l'addition des choix individuelles des citoyens, mais bien d'un arbitrage démocratique au sein d'assembles parlementaires qui représentent la nation. Prétendre que les dirigeants politiques doivent en toute circonstance suivre les volontés de la population, conduit à un dangereux populisme, qui peut avoir des conséquences fatales pour la construction européenne, si on l'avait appliqué en 1949, lors du lancement du plan Schuman. Un référendum à l'époque organisé en France et en Allemagne sur la création d'une Communauté Européenne de l'Acier et du Charbon eut conduit a un rejet avec pertes et fracas pour les deux états du Rhin et l'Europe de Jean Monnet et des préfondateurs n'aurait jamais vu le jour. Des leaders politiques clairs doivent parfois précéder à leurs opinions publiques. J'ajoute qu'en Belgique le risque de pollution 'domestique' du débat sur la constitution européenne est norme, les partis politiques se mobilisant pour ou contre le gouvernement Verhofstadt et pour ou contre l'adhésion de la Turquie l'UE.  On ferait en outre la part belle à la démagogie anti-européenne et incivique du neo-Vlaams Blok. Décidément, l'Europe mérite mieux. La proposition de loi, instaurant une consultation, actuellement en discussion au parlement, prévoit un vote populaire en mai 2005 et chargerait dangereusement le calendrier électoral déjà passablement excessif (élections fédérales en 2003, régionales et européennes en 2004, suivies d'élections communales en 2006, des fédérales en 2007 et régionales et européennes en 2009).  Quelle dangereuse inflation électorale!!! A proscrire!